mercredi 18 novembre 2009

Jour quelque chose : le résumé-fleuve

Je repassais à travers mes notes ce matin, et j’ai réalisé qu’il manque quelques épisodes marquants à mon récit. Comme celui où j’ai joué à GTA toute la journée. Ou celui où je me suis cassé un ongle en ouvrant une porte d’armoire. Ou encore cet autre où j’ai passé 1 heure et la moitié d’un sac de mignardises à essayer d’apprendre à mon chien à faire le beau. Il était ben beau, mais mozusse qu’il comprend rien. Là vous vous dites « wow, quelle vie trépidante, je veux en savoir plus! »… J’ai donc pris la décision de me servir un deuxième café (ouf, dure décision!) et de me lancer. Prenez votre souffle, je suis le Petit Castor. Une fois que je suis lancée… rien ne peut m’arrêter. 

5 juillet. Assise sur un bol de toilette, un peu crispée, j’essaie de faire le vide, de me relâcher. Ce n’est qu’ainsi qu’on obtient des résultats. J’essuie mon… front (je parle de golf ici, là, quand même) et m’enligne sur les palmiers à gauche du terrain.

- What are you doing? You’re going to the left!
- The bushes are to the right; I’m going to the left.

Je frappe. La balle s’élance vers la gauche, mes bras s’élancent dans les airs. J’ai vaincu mon pire ennemi, le trou numéro 4 et sa haie magnétique, et je suis soulagée.

6 juillet. Mon téléphone sonne. C’est la dame de la maison sur Martha, à 4 portes de chez Nima. Vous vous rappelez? Trois chambres, piscine, dans la Vallée alias le Four… Eh bien, elle m’annonce que la maison est à nouveau disponible. Les locataires éventuels se sont désistés. C’est le destin. Je suis aussi paquet de nerfs que mon chien devant un livreur de pizza. Ou que mon chien tout court en fait… il est pas mal tout le temps énervé.

17 h. On est postés devant la maison en attendant Nima... qui gare sa voiture. À 4 portes de chez lui, j’ai dit. Oh! Qu’il ne s’en est pas tiré indemne. « How was the ride, Nima? Not too much traffic? mmppff! »

On entre. C’est sombre. Peu de fenêtres. La salle à manger est un chantier. Un tremblement de terre a fait bouger des poutres. La salle de bains est d’une inspirante couleur vomi. Un bris de tuyau a inondé le dog run. Je vous épargne la suite de la liste. L’agente fait tout pour nous rassurer. « The owner is going to fix this, and this, and that, and this and that, and he’s booked someone for this and that and I can ask him for this and that too if you’d like. » Ça pue le mensonge, le désespoir et la décrépitude. On tombe de notre nuage. De toute façon, on est toujours en lice pour la maison de Laurel Canyon. Vous voyez laquelle? Celle avec le grand balcon en bois inspirant à l’avant, dans la montagne… on croise nos doigts. Et on salue Nima au volant de sa voiture, qui s’arrête pour nous demander : « You want me to call you when I get home, just to make sure I got home safe? » (mmppff!)

7 juillet. Si je veux me remettre à travailler un jour, ça va me prendre mon Social Security Number. Selon Google map, j’en ai pour 1 heure 8 minutes de marche jusqu’à la Social Security Administration. Mais comme je suis en super forme et que j’ai de grandes jambes, pour moi, ça veut dire 40 minutes gros max. Sure. C’est là que j’ai compris l’importance de ne plus remettre à trop loin l’obtention de mon permis de conduire. Au Belzébuth la règle numéro 1, je ne suis plus à Montréal…

L'espace de deux coins de rue, je me retrouve au coeur du quartier le plus trash de North Hollywood. Que des gangs postées le long des murs d’entrepôts, les poches bourrées d’armes et de stupéfiants, c’est évident. On est à LA, faut pas oublier. J’adopte ma meilleure défense, la démarche tomboy. Les jambes un peu écartées à la « j’en ai une grosse », les bras éloignés du corps à la « j’ai des gros biceps », déhanchement absent, la mâchoire inférieure légèrement protubérante, à la Sylvester Stallone. Je suis une armoire. À glace. Mieux, une armoire à linge. Bourrée comme la mienne, ça fait peur. Personne ne va oser m’approcher. J’ai le cœur qui se débat, l’adrénaline dans le derrière, mais rien n’y paraît. Je franchis la porte de la Social Security Administration indemne, 1 heure 8 minutes plus tard. C’est précis, Google map. En sortant, je me remets à marcher à la recherche d’un taxi. Je suis rentrée chez moi 1 heure 20 minutes plus tard, le gros orteil au vif et le dos en compote. En super forme la vieille. 1 heure 20 minutes de marche et pas un taxi. C’est la pure vérité vraie. Est-ce que je vous l’ai dit, que ça prend une voiture, à LA? La bonne nouvelle de la journée : on a reçu une réponse positive pour la maison de Laurel Canyon et on a rendez-vous samedi pour signer le bail. On emménage le 15 juillet.

8 juillet. La tomboy récupère.

9 juillet. Magasinage de voitures en ligne.

10 juillet. Tentative d’étude pour examen de conduite qui s’est transformée en séance de bronzage sur le bord de la piscine. Dans mon dictionnaire, « étudier à Los Angeles » n’est pas une cooccurrence possible. Méfiez-vous si vos enfants vous demandent un jour d’aller « étudier » à Los Angeles. Vous êtes prévenus.

11 juillet. Nizar négocie. Le vendeur, le visage écarlate, s’arrache les poils du nez. Que voulez-vous, il n’a pas de cheveux. Je regarde les taches sur le tapis. Mais une vente reste une vente, particulièrement en temps de crise, et on me remet non sans broncher les clés de ma nouvelle voiture. Yé!... Ça fait deux voitures à ramener, mais un seul conducteur. Pas que je ne sais pas conduire, mais tant que je n’ai pas mon permis californien, je suis expressément exclue des assurances. Nizar insiste. « Il n’arrivera rien ». J’insiste. « Je ne suis pas assurée ». Il renchérit. « Il n’arrivera rien. » Je renchéris. « Tout à coup. » On s’obstine. Je ne veux pas. On s’obstine. Je suis tentée. On s’obstine. Je flanche.

Je l’ai fait. Et non, je n’ai pas inondé de bibliothèque en frappant une borne fontaine, papa. J’appelle la planète, tout fière d’avoir osé l’illégalité. C’est bien moi, ça. M’exciter pour pas grand-chose.

12 juillet. Je suis chez le Car Rental Dealer. Ça me prend une voiture sur laquelle je suis assurée pour me rendre à la DMV passer mes examens de conduite. La seule qu’il a de disponible est une minifourgonnette. Je vais passer mon permis de conduire au volant d’une minifourgonnette. Je trouve ça ben drôle.

13 juillet. Je me rends à la DMV de North Hollywood passer mon examen de conduite écrit. Je m’en retourne bredouille, elle est fermée pour rénovations. Je dois me rendre à celle de Glendale. Pour vous situer un peu, elle se trouve quelque part entre les Mouc-Mouc islands et Saint-Clin-Clin-of-the-Meus-Meus. Ça fourmille de monde. Rien à voir avec la SAAQ. Imaginez un marché aux puces, avec des comptoirs chiffrés au lieu des boutiques, et des chaises un peu partout dans les allées. Ça me prend un moment pour m’orienter et comprendre le fonctionnement. Je fais une première file pour m’enregistrer. Je remplis un formulaire accroupie sur une table pas de chaises en me faisant tapoter les fesses par tous les sacs de l’univers qui essaient de se faufiler vers la sortie sur l’épaule d’autres moutons. Je me trouve une allée avec une chaise de libre pour poireauter en attendant qu’on appelle mon numéro. Vingt-cinq minutes plus tard, je suis postée devant un comptoir. Une dame prend mon formulaire, le rentre dans le système, me demande 25 $, me remet une feuille avec mes renseignements et me redirige vers un autre troupeau en attente de se faire marquer au fer. C’est long. J’ai mal dans le dos. Je finis par me retrouver face à l’objectif. Je m’attends à ce qu’elle me dise quand sourire, mais non. Me voilà avec une belle photo de passeport. Et je vais rejoindre un autre troupeau, cette fois pour passer à l’abattoir. C’est long, incroyablement long. On finit par nous déplacer dans une autre salle où je peux enfin asseoir mon popotin sur une petite chaise en bois raide pour passer mon examen. Les tests sont corrigés sur place. Parmi ceux qui terminent avant moi, trois échouent. Je vois ça du coin de l’œil pendant que je noircis les cases. Vient mon tour. 100 %. Merci, merci. Je vais pouvoir passer mon examen derrière le volant après-demain.

Après-demain. 9 h 20. J’aurais pu me lever, aller passer mon examen et rentrer. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué…

Je me lève prise de panique. Tout à coup que je ne peux pas passer mon test de conduite cet après-midi comme prévu parce que je n’ai pas de preuve d’assurance du concessionnaire? J’ai loué avec ma carte de crédit et suis automatiquement assurée, mais est-ce que la DMV accepte ça? J’appelle. On me répond que c’est « inacceptable » (ils y vont un peu fort sur le choix des mots, j’arrive pas à bicyclette quand même) et que la seule assurance acceptée est celle du concessionnaire où j’ai loué la voiture. Bordel. Mon rendez-vous est à 14 h, et ce n’est pas la porte d’à côté. J’appelle le concessionnaire. Il me dit qu’il ne peut ajouter l’assurance au contrat existant, qu’il doit mettre fin au contrat et m’en faire un nouveau, sauf qu’il ne peut pas me garantir que je pourrai garder ma minifourgonnette et il n’a pas d’autres voitures en ce moment. Pardon? J’ai normalement la voiture jusqu’à demain matin, monsieur. Vous allez mettre fin à mon contrat actuel et m’en faire un nouveau jusqu’à demain qui inclut l’assurance, pour la même voiture. Capiche? Je passe mon examen de conduite dans quelques heures, monsieur (comme si c’était la fin du monde). Je ne vais pas le passer avec une voiture que je ne connais pas certain! Je vais freiner pis décoller trop sec, l’instructeur va se retrouver le front dans le pare-brise, ils vont me demander où sont les commandes de ci et de ça et je ne saurai plus, non, non, non, pas question. Il me dit de passer et qu’il va m’organiser quelque chose. Mais je dois me grouiller pour me rendre avant 10 h du mat, sinon il va me charger pour la journée. J’ai 15 minutes pour faire le plein et me rendre.

J’arrive à 10 h 02, paquet de nerfs. Il me trouve bien rigolote et se permet de me dire de me calmer sinon je ne passerai pas mon test c’est sûr. Gros con. Alors je me permets de lui faire la remarque que son pare-brise est tout crotté. En fait, c’est un peu ma faute, je testais les commandes et quand j’ai parti les essuie-glaces, ça a tout beurré. Je lui demande pourquoi ils ne louent pas des voitures avec du lave-glace. Il me répond qu’il ne pleut pas. Ah... ... ... Et si un oiseau fait ses affaires sur mon pare-brise? Hein? Je fais quoi pas de lave-glace? Je m’en vais passer mon examen de conduite dans quelques heures, moi, monsieur, (rendue là, je shakais de partout) et ils vont m’empêcher de le passer si mon pare-brise est sale!

Il a lavé mon pare-brise à la main. Il était quand même gentil au final. Bref, me revoilà sur la route à bord d’une minifourgonnette impec, les papiers d’assurance en main. Maintenant, bien entendu, je ne peux pas me rendre à la DMV conduire dans les environs pour me familiariser avec le coin avant de passer mon examen, non, parce que Nizar est parti avec mon passeport et ma Work authorization card ce matin, et j’en ai besoin pour m’identifier à la DMV. Direction bureau de Nizar à Burbank. Bien entendu, je n’ai toujours rien mangé parce que je suis trop à la course. Il est maintenant pas loin de midi et mon test est à 14 h. De là, j’en ai pour 30 minutes jusqu’à Glendale. Je mangerai une fois rendue. Je prends l’autoroute 5 comme Google map me dit. Je sors où je suis supposée sortir, mais je ne vois jamais la rue sur laquelle je dois tourner. Je me dis que LA est comme Montréal, un grand papier quadrillé, que je vais finir par me retrouver, et qu’après tout, ça me permet de me familiariser avec le coin… un long, très long moment plus tard, qu’est-ce que j’aperçois à ma droite? Pas Brad Pitt, pas Jack Nicholson, ni Tommy Lee Jones d’ailleurs, non, mais le bureau de Nizar! J’ai trouvé le tour de revenir à mon point de départ sans reprendre l’autoroute! C’est le boutte de la marde, comme on dit très élégamment. Il me reste 50 minutes pour reprendre l’autoroute, trouver le bon chemin et m’enregistrer avant 14 h, l’heure fatidique. J’arrive dans le stationnement à 13 h 42. Pas une seule place de libre, évidemment, et 8524 voitures à la chasse. Je tourne en rond pendant 10 minutes et décide d’aller me garer plus loin, dans une petite rue. Le pire stationnement parallèle de ma vie. Je suis garée tout croche, les roues bien trop loin du trottoir, mais je n’ai pas le temps de me reprendre. De toute façon, l’inspecteur ne viendra jamais chercher ma voiture avec moi… sur cette pensée, j’avoue que j’ai imploré mes disparus.

Je cours maintenant comme une poule pas de tête vers le comptoir des examens derrière le volant. Noooon, mais dis-moi pas que c’est pas vrai! Mon examen est dans 5 minutes et il y a 3222 personnes en file! Je cherche l’heure d’examen sur la convocation des gens autour de moi… Ok, je ne suis pas la seule. Reste plus qu’à attendre comme tout le monde, et surtout, à me calmer. Et j’essaie de me raisonner. « Ce sont tous des jeunes qui passent leur permis pour la première fois. Ça fait onze ans que tu conduis. Veux-tu bien me dire pourquoi t’es stressée? » Et je me comprends, je sais que je n’ai rien à craindre, que je vais le passer haut la main, mais mon corps, lui, il n’en a rien à cirer. Je sens toujours tout mon intérieur rongé par le stress. Que voulez-vous, je suis mal faite de même. Je finis par m’enregistrer 25 douloureuses minutes plus tard, et on m’appelle à 14 h 45. Je vais chercher ma voiture et la gare en file. C’est le paradis de la perte de temps, la DMV. 1310 voitures devant moi. Il fait 8444 degrés, je sue à grosse gouttes, je suis complètement déshydratée et j’ai faim. J’espère juste ne pas mourir. Le point positif? Je suis tellement à l’article de la mort que je n’ai même plus l’énergie de stresser… enfin! Les inspecteurs des voitures voisines semblent hyper sympathiques. Mais bien sûr, pour faire changement, je me retrouve avec la plus grosse air bête de la planète et un « left flasher! » en guise de bonjour. Vingt minutes plus tard, je gare la voiture dans le stationnement de la DMV. Je me retourne vers mon air bête, et elle me dit simplement « you passed ». That’s it. C’est fait. Je sors de la voiture, le sourire aux lèvres, quand j’aperçois une fille à côté en larmes dans les bras de sa mère. Je fais ma poker face par respect, et je vais me remettre à sourire dans une énième file pour qu’on me donne ma liberté.

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Objectif du jour : Vous mettre à jour.

Fait saillant : Encore quelques épisodes à vous raconter et je serai à jour.

Pensée du jour : « Et vous qui croyiez que j’allais passer mes journées sur la plage! »

samedi 14 novembre 2009

Jour Jessépasplussecombien : The Man in Black


C’est fabuleux. Ça fera un an demain qu’on est mariés. Quoi de plus approprié que Koi, le resto le plus fabuleux de LA pour célébrer. On commande une foule de petits plats à partager. On mange, on s’extasie, on mange, on s’extasie de plus belle, je ressasse l’histoire des bisons, on mange, on boit, la vie est belle, on s’aime. On paye, on sort, on remet notre petit coupon au valet et on se poste sur le trottoir en attendant notre voiture. On dirait un concours de qui a la plus belle voiture. Une corvette jaune poussin arrive. Un jeune homme accompagné d’une jeune femme les bras remplis de roses qu’une vieille dame vient de leur vendre sur le trottoir prennent place à bord. Puis vient une Lincoln. Puis une Rolls Royce. Je placote, mon chum n’écoute plus. Soudain, il prononce ces mots :

- C’est pas un vieux pervers à côté?

Je me retourne… juste à côté de moi, un vieux tripote la croupe d’une poufiasse.

- Elle a l’air ferme et elle a de beaux cheveux, mais ça veut pas dire qu’elle a pas le visage tout ridé…

Je continue de placoter. Mon chum n’écoute pas plus. Soudain, il prononce ces mots :

- C’est pas Tommy Lee Jones?

Je me retourne… c’est pas Brad Pitt… pas Jack Nicholson, non, mais c’est bel et bien TOMMY LEE JONES!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! TOMMY LEE JONES PUTAIN DE BORDEL DE MERDE! À 1 PIED TROIS POUCES DE MON ÉPAULE GAUCHE!!!!!!!!

Je suis tellement excitée que je ne trouve rien de mieux à faire que de sacrer une de ces bines à mon chum. Je me retourne. C’est vraiment lui. Et une autre bine. De sacrés bines. Je suis drôlement fière de lui. Lui qui a vu mille vedettes depuis qu’il est déménagé mais impossible de dire lesquelles! Il l’a reconnu à ces cicatrices, qu’il dit. « Il a le visage aussi magané dans la vie que dans ses films » qu’il dit. Et je confirme.

Je m’approche… un peu pompette… et demande :

- Excuse me… do you know me? Cause I think I know you from somewhere…

Ben non. Bien trop occupée à sacrer des bines et à étrangler mon chum pour le beau post qu’il vient de m’offrir! Tommy Lee Jones a eu le temps de faire monter sa jeune conquête d’à peine 20 ans dans sa Rolls Royce avant que je ne puisse me lancer dans quelque délire que ce soit… mais quand même.
« Le vieux pervers ». Malade. I love my husband. I love LA.

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Objectif du jour : Manger léger pour laisser toute la place aux petits plats « Signature Koi ».

Fait saillant : Tommy Lee Jones… à un pied trois pouces de mon épaule gauche!!

Pensée du jour : « Oh, oh… Une petite recherche sur Wikipedia me révèle que Tommy Lee Jones est marié à Dawn Laurel depuis 2001… et elle n’a pas la silhouette de la jeune conquête qui l’accompagnait hier soir… potins, potins! »

jeudi 29 octobre 2009

Jour jessépucombien

Je l’avoue, j’ai perdu le fil. Pas le fil à coudre, non, j’en ai une boîte remplie, et je sais où elle est. J’ai eu le temps de tout bien organiser avant que ma visite arrive… si l’envie me prend de me tricoter une paire de chaussettes et que ma grand-mère est dans les parages, le tour est joué. Non, j’ai plutôt perdu le fil de mon récit. Shame on me. J’ai sans doute perdu du coup tout mon mince lectorat, famille comprise, c’est tout dire. Mais depuis, mes claquettes ont beaucoup voyagé, et je me suis ramassé un petit baluchon d’histoires savoureuses à vous raconter.

Mais pas ce soir, non. Parce qu’au lieu d’écrire, aujourd’hui, je suis allée acheter des laisses à mes minous. C’est bizarre, je vous l’accorde. Bon, comme une idée en amène une autre et que je suis spécialiste pour passer de l’une à l’autre sans conclure l’une ou l‘autre, je vais rester fidèle à moi-même et vous partager le pire drame de mon aventure en Californie.

On est le 2 septembre. Ma copine et moi, on vient de passer une nuit digne d’un film d’Alfred Hitchcock. Bon… je vous raconte la nuit, il le faut bien. On est le 1er septembre. Ma copine et moi, dis-je, revenons d’un souper extraordinairement bon dans le seul restaurant encore ouvert à Kanab qui sert de l’alcool (état mormon oblige), en route entre Bryce Canyon et le Grand Canyon. La meilleure soupe aux tomates que j’ai goûtée de ma vie. Mes papilles en frétillent encore. Le personnel « artiste » affiche et vend ses œuvres dans le resto : des photos de gueules de chiens, gros plans sur des museaux ou des pattes, sur fond blanc, des flous, magnifique. Une galerie à l’étage… un peu beaucoup très moche, elle, je l’admets, mais la bouffe et l’accueil : 5 étoiles. Et c’est juste à côté d’un Pawn Shop qui vend des diamants, de l’art indien et… des armes. Charmant. Trêve de détails sans importance, nous avons repris la route depuis maintenant plus d’une heure et demie sans croiser personne, et je souligne, personne. Bon, je l'aurais bien souligné, mais l'application de mon blog ne me le permet pas. Nous n’avons plus de réception satellite pour le GPS, ni cellulaire pour appeler le 911 si on se fait attaquer par un des quatre-vingt-douze mille deers qui nous regardent passer en broutant la gravelle au lieu d’aller gambader en bondissant gaiement dans le 99,999% de nature sauvage qui nous entoure. Vous avez senti l’énervement ici… Je l’ai trouvé tout mignon le premier deer qu’on a croisé à Zion, « Oh! qu’il est mignon, le petit deer! » Clic, clic, clic, 20 photos du deer! Eh bien j’en ai eu ma dose, des deers. J’en ai vu plus en une semaine que je n’en verrai jamais de toute ma vie, des putains de deers. La prochaine fois que je joue à Fais-moi un dessin, il n’y a pas personne qui pourra confondre mon deer avec un éléphant. Nous étions donc en route vers le Grand Canyon dans le noir absolu, seules au monde à nous enfoncer dans la nature sauvage. Parce que bien entendu, nous n’allions pas aller visiter le côté sud, parce que trop touristique, non, on a choisi le côté nord, bien plus authentique. Je ne sais pas si vous l’avez senti, mais il est supposé y avoir de l’ironie dans cette dernière phrase. Toujours est-il, nous arrivons enfin au Grand Canyon. Il est environ… minuit et demi ou une heure du matin. « Grand Canyon ». À quoi pensez-vous? Des rochers et des précipices. Je vous rappelle qu’on est seules au monde, qu’on est dans le noir absolu et qu’on ne voit que ce que mes hautes éclairent. Je parle de celles de la voiture, là. Commencez pas à vous imaginer des affaires, ma gang de… enfin, vous voyez le tableau. Un tout petit chemin sinueux bordé de petits yeux brillants qui broutent la gravelle. La barrière du parc est levée. On entre dans le Grand Canyon. J’ai les bras tendus, les paumes collées au volant, les yeux écarquillés, les épaules crispées, la tête dans le pare-brise. Depuis une heure et demie.

- Une traversée.

C’était notre code. Pour pas m’énerver avec des « TENTION!!!!!!!!!!! ». Je ne parle pas de la tension, même si elle se faisait bien sentir, non, je parle de
« tention », comme dans « attention » débité tellement vite qu’on omet de prononcer la première syllabe.

Je m’arrête. Laisse passer les %*#$%*$ de deers. Mais… mais qu’est-ce que…

- Fffuck!

Pas un petit « fuck » net frette sec, un long « fuck », avec au moins 4 ou 5
« f ». Ça sonne plus comme un « phoque », avec 6 ou 7 « ph ». Devant nous, pas Brad Pitt, pas Jack Nicholson, non, un troupeau de bisons. Pas deux ou trois, deux ou trois MILLE, avec des bébés, des papas, des mamans, des tantes, des oncles, des laitiers, des mamies, des papis et sans doute quelques consanguins. Ils sont tous là à traverser notre petit bout de chemin sinueux au beau milieu du Grand Canyon, dans le noir et le silence absolu.

- Fais demi-tour.
- Mais je peux pas! On sait pas si c’est le vide à côté!
- Mais tu veux pas rester là!
- C’est pas que je veux pas, je peux pas.

Et j’éteins tout.

- Mais qu’est-ce que tu fais là!
- Shuuut… on va passer pour un rocher.

Silence et rires nerveux. Au beau milieu du Grand Canyon en pleine nuit dans le noir absolu. Tout ce qu’on entend, c’est nous qui chuchotons et des bisons qui reniflent et qui beuglent. On les voit même plus. On distingue juste leur silhouette monstrueuse dans la pleine lune.

- Ils sont arrêtés, non?
- Putain ils bougent plus. Ils vont pas rester là au beau milieu du chemin! Ils ont tout le Grand Canyon à eux tout seuls et ils viennent se foutre à 6 mètres de nous pour nous bloquer le chemin au moment même où on passe? Non mais c’est pas possible! Dis-moi pas que notre destin est de mourir ce soir attaquées par des bisons au beau milieu du Grand Canyon à 1h du mat!
- Fais demi-tour
- Est-ce que ça court un bison?
- Ça a des pattes, qu’est-ce que tu crois?
- Je peux pas.
- Ils avancent vers nous là, non?
- Oh putain. Mamaaaaan… Ok, je fais demi-tour. Prête?
- Vas-yyyyy!
- Fffffffuck.

Je démarre le moteur. Eh ben je peux vous dire que je ne suis pas peu fière de ma petite bagnole chérie. Avec mon moteur puissant qui vrombit plus fort que le plus gros bison avec le plus gros des anneaux dans le nez, je leur ai donné la frousse! Ils ont pris leurs pattes à leur cou bossu et se sont mis à fuir en troupeau bien cordé comme dans les films, avec la poussière autour, des traces de petit pipi et le bruit des pattes qui frappent… ah, c’était pas un précipice… j’aurais pu faire demi-tour finalement…

J’allume tout de go mes phares en poussant un rire machiavélique pour leur donner encore plus la frousse et en moins de deux, le champ est libre. On est sauvées!

Mais le sort n’allait pas finir de s’acharner pour autant. Quelques mètres plus loin, juste pour en rajouter une couche, je suis forcée de m’arrêter pour une autre traversée… celle de la souris. Pas un gros rat facile à repérer, là. Une minuscule petite souris qui arrête sa traversée en me voyant arriver, et qui, prise de panique, se met à zigzaguer sur la route en éclaireur. C’est parce que ça a beau courir pour sa vie, une souris, ça s’apparente drôlement à la vitesse d’une tortue. Et moi qui aime trop les animaux, je vais pas risquer de l’écraser quand même, alors je roule à même pas 1 mile à l’heure derrière elle. J’ai l’impression de vivre la version psychologique des douze travaux d’Astérix. Est-ce que j’ai besoin de vous dire à quel point je suis attentive pour l’avoir spottée celle-là? Est-ce que j’ai besoin de vous dire que je commence à avoir les yeux un peu secs, une petite douleur dans le cou et une écœurantite aiguë de la nature sauvage, rendue là? Mais trop c’est trop, on ne va pas y passer la nuit. J’enligne mes roues de chaque côté et je fais une petite prière pour pas qu’elle change sa trajectoire au moment où je passe. Silence. Pas de couic. C’est bon signe. Ma conscience est préservée.

On arrive enfin au Grand Canyon Lodge. Plus une seule place dans le stationnement à part bien sûr tout au fond, là où le lampadaire est brûlé. C’est là que les gens se font piétiner par un troupeau de bison, enlever par des extra-terrestres ou violer par une famille de deers. Mais on n’a pas le choix, on doit se garer et faire le reste à pied. Tant pis, on déplacera la voiture en revenant prendre nos affaires. Je me gare en plein là où j’ai pas le droit. C’est beaucoup plus sécuritaire. Là ça va faire. C’est bien assez que le malheur nous coure après, on va pas en plus faire exprès. Et on fait le reste à pied, jusqu’à l’auberge. À mi-chemin, on aperçoit un gamin courir de l’accueil à un autre bâtiment. Ça donne la chair de poule. Mais pas autant que l’accueil. L’endroit est désert, sombre et lugubre. Une vieille radio en bois qui grésille crache une musique des années 50. On a le poil des bras comme les cheveux d’un punk, sans la coloration. Nous, c’est plutôt la décoloration. Enfin, passons. Le gamin revient. C’est en fait lui qui est seul responsable de l’accueil à une heure aussi tardive. Un adolescent prépubère, le visage boutonneux, l’œil rieur.

- Il découpe des petits enfants dans ses temps libres, lui.

Ma copine et ses charmants commentaires. Comme si personne ne pouvait la comprendre. Elle se prend pour une Québécoise en France… (que personne ne se vexe, elle est Française – c’est juste une petite blague). Si ça se trouve, c’est un adolescent prépubère surdoué qui possède un doctorat en français langue seconde, ou encore plus rare, copine, un Français en échange aux États-Unis. Si je ne me retenais pas, je vous raconterais un autre épisode du voyage là tout de suite maintenant… mais je me retiens. Parce que ça va vous couper l’appétit. Hein, copine?

Il finit par nous remettre les clés de notre chambre ainsi que le plan pour nous y rendre. C’est dans le bâtiment type « motel » le plus éloigné de l’accueil. Évidemment. Il nous conseille de nous rapprocher le plus possible en voiture, de faire le reste à pied avec nos valises, puis de retourner nous stationner.

- Is it really that far? Can’t we just park and walk?

Écoutez bien ce qu’il dit. Faut entendre « I » comme un long « I » hésitant.

- IIIIIII… wouldn’t walk, qu’il dit avec son œil rieur.

On s’entend ravaler notre salive en un concert d’épiglottes qui clapotent. À ce moment-là, je m’attends à ce qu’on me mette un sac à poubelle sur la tête. Mais il n’en est rien. Ils attendent peut-être qu’on soit dans notre chambre…

De retour au stationnement, on s’obstine un peu pour qui va garer la voiture. Je finis par y aller, mais je peux vous dire que j’ai fait ça plus vite que mon ombre. Lucky Luke ne dégaine pas plus vite que je suis sortie de la voiture ce soir-là.

Juste pour faire un petit rappel, cet épisode était une parenthèse pour en venir au pire drame de mon aventure en Californie. Là, mon chum doit être fier de moi. Moi qui perd toujours le fil… par contre je vais rester fidèle à moi-même et ne pas conclure aujourd’hui. Je commence à avoir des petites crampes dans les phalangettes.

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Objectif du jour : Reprendre l’écriture de mon blog.

Fait saillant : J’ai réussi!

Pensée du jour : « Oups... je n'ai toujours pas expliqué pourquoi j'ai acheté des laisses... »

vendredi 21 août 2009

Jour 70 : Le scoop

Ce soir, j’étais en train de digérer mon souper en solo en sirotant un verre de vin quand je me suis dit « Tiens, depuis le temps, les photos du souper avec Mélanie L., Émilie L. et mon charmant époux chez Il Sole sur Sunset, où Paul Rudd a fait une sortie remarquée, doivent avoir été publiées! » Ça remonte à mars dernier quand même. Une petite recherche sur Google image m’a jetée en bas de ma chaise. Qui est-ce qu’on voit, derrière Paul Rudd? Pas Brad Pitt, pas Jack Nicholson, non, la belle bette de mon chum et ma botte blanche! On peut aussi voir l’émerveillement embrouillé d’Émilie et mon derrière de tête. C’est un début mes chers amis. D'ici peu, ce sera Star inc.



Je vous invite à cliquer sur les photos pour les visualiser en format américain... (think big!)


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Objectif du jour : Terminer d’organiser la maison de fond en comble.

Fait saillant : On est sur une photo de paparazzi!

Pensée du jour : « Hahahahahahahahahaha! »

jeudi 20 août 2009

Jour 68 : The Magic Carpet

Entre une séance de magasinage intensive chez Ikea, l’assemblage d’une boîte de rangement astucieuse à placer sous mon lit d’invités, l’organisation de la chambre qu’Anso va étrenner dès dimanche et l’installation d’un store dans la salle de bain qui m’a permis de recycler les papiers qui en faisaient office à ce jour, j’ai eu le temps de préparer un petit fichier vidéo de mon pet shop pour faire rire mon charmant époux parti en Inde. Cette phrase-là était pour toi, Karine B. Ce fut un franc succès que j’ai eu envie de partager avec vous. À titre informatif, les images présentent une parcelle de notre ancien appartement de West Hollywood.



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Objectif du jour : Aller chez Ikea à Burbank chercher ce qu’il me manque pour finir d’organiser la maison et faire le lit des invités.

Fait saillant : J’ai rempli tous mes objectifs et il n’est pas minuit.

Pensée du jour : « Mon blog manque de suite dans ses idées. »

mardi 4 août 2009

Jour 55 : 33 jours

9h29. Un frappuccino bien frais descend mon œsophage alors que les feuilles mortes craquent sous les pattes de mes petites panthères parties explorer la montagne. Un voisin éternue. Une fois. Deux fois. Trois fois. Dieu te blesse. Le soleil javellise le patio minute après minute, mètre après mètre. Si ce n’était de mon décor imparfait, ce serait le bonheur parfait. Je me demande si Émilie L. a retrouvé sa légèreté. La petite Camille a-t-elle respiré sa première bouffée d’air? Je me demande si les bébés qui ne veulent pas sortir de leur bain de liquide amniotique préféreront les bains aux douches. Je m’en demande, des choses. Mon voisin éternue. Une fois. Deux fois. Trois fois. Dieu te blesse. À ce rythme-là, il va finir la journée avec un sacré œil au beurre noir ou un œil au beurre noir sacré. Je fais défiler les pages résumant mon quotidien. Trente-trois jours de retard. Je me dis que les lecteurs ne doivent plus affluer. Mon frappuccino a soudain un petit goût amer d’échec. Depuis le 3 juillet, il s’est passé beaucoup, beaucoup de choses. Trop pour avoir eu le temps de vous les raconter. Mon objectif du jour est de me rattraper. Je suis confinée à la maison de toute façon. J’attends le plombier. Je pourrais vider des boîtes, mais ça peut attendre une journée. Du moment que tout soit prêt dans une quinzaine de jours pour l’arrivée d’Anne-Saucette. Question de ne pas entraver la succession temporelle des événements, je vous invite à effectuer sporadiquement quelques retours en arrière. Je continuerai à afficher les histoires des jours passés par ordre chronologique, mais le message d’aujourd’hui me permettra de continuer où j’en suis même si le rattrapage n’est pas complet. Deal?

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Objectif du jour : Je me donne une semaine pour rattraper mon retard sur mon blog.

Fait saillant : J’aime les frappuccinos bien frais. Il est bien trop tôt pour un fait saillant plus excitant.

Pensée du jour : « 33 jours… sigh »

samedi 4 juillet 2009

Jour 25 : Independence day


Comme c’était de contexte, on a décidé de faire nos indépendants et d’aller souper au resto en tête à tête plutôt que de se mêler aux festivités. Nizar veut m’emmener à Beverly Hills chez Fogo de chao, un resto pour carnivores assumés. Mon portrait craché. On pourrait s’attendre à d’horribles maux d’estomac, mais le concept est bien pensé. C’est tellement drôle que nos abdominaux se font aller toute la soirée. Et des abdominaux qui se font aller, on sait que c’est bon pour la digestion.

On nous assigne une table tout près du buffet des salades et on nous remet chacun un petit carton à deux faces : une verte, une rouge. La couleur verte signifie « j’ai un petit creux »; la couleur rouge, « pu capab ». Nizar me regarde, la pupille fébrile.

- Prête?
- Prête.

On tourne nos cartons du côté vert. Les chefs accourent nous présenter leurs spécialités. C’est la guerre. On se croirait dans un marché aux puces de la République dominicaine. Filet mignon, top sirloin, bottom sirloin, rib, round; mon assiette ressemble à un cours de dissection. Je pourrais reconstituer un mini bœuf. Nizar vient à mon secours :

- Tourne ton carton, tourne ton carton!

Ouf! Un peu plus et je me ramassais avec Miss Piggy en plus. Je n’ai jamais rien vu de tel. Un buffet à volonté de petits hors-d’œuvres, je dis pas, mais chaque pièce de viande est un repas en soi! Comment ils font pour tourner leur carton maintes et maintes fois? Je ne comprendrai jamais les Américains.

Une chose est sûre, c’est à vivre une fois dans sa vie. En ce qui me concerne, check!

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Objectif du jour : Digérer.

Fait saillant : J’ai failli appeler la SPCP, la Society for the Prevention of Cruelty to Potatoes. On avait un plat de patates pillées en accompagnement. Je n’ai pas écrit « pillées » par erreur. On les avait à peine touchées qu'on nous en a dépouillé pour nous les remplacer par un autre plat tout juste sorti du four sans même nous demander notre avis. J’ai dû le lui arracher des mains la seconde fois. Fou.

Pensée du jour : « Pauvres patates. »

vendredi 3 juillet 2009

Jour 24 : les visites

On est en route pour notre première visite. C’est la maison dans Hollywood Hills avec l’immense balcon en avant et le patio à l’arrière qui donne sur une vue en contre-plongée de la montagne. Celle que je sens. C’est drôle, c’est aussi celle pour laquelle j’ai obtenu notre première confirmation de visite. Je me dis que c’est peut-être un signe. On ne pourra visiter la Boathouse que mercredi prochain. J’en ai trouvé une autre sur la même rue que notre couple d’amis, la rue Martha, dans Valley Village alias le four, à 4 portes de chez eux, mais malheureusement, elle a déjà trouvé preneurs. Elle était plus grande avec ses trois chambres, sa grande cour et sa piscine. Enfin, faut se l’enlever de la tête.

Première visite très concluante. Si on ne trouve pas mieux, c’est elle. Elle est sur deux étages, mais la surface habitable est entièrement au deuxième. En bas, il y a un grand garage double et l’entrée. Dans les chambres, de grandes portes françaises coulissantes en bois foncé qui donnent sur un immense balcon en bois. La cuisine, la salle à manger et le salon se partagent une seule et même grande pièce à aire ouverte, qui donne sur le patio à l’arrière. Tout petit patio en béton entouré d’un muret de béton. Ça a l’air moche dit de même, mais le muret est blanc, et au-dessus, c’est la montagne qui monte. Très joli, exotique et inspirant. Le clou : le jacuzzi. On troquerait notre piscine de Ste-Rose pour un spa en montagne. Je peux vivre avec ça.

Notre deuxième visite est aussi dans Hollywood Hills, mais de l’autre côté de la montagne. On emprunte Mulholland drive et je pense au film de David Lynch. C’est une rue sinueuse au panorama absolument magnifique. Une vue qui vous arrache les yeux de la route. Je dois attraper ceux de Nizar au vol pour les lui remettre dans ses orbites. Je pense que c’est encore plus beau que Table Mountain en Afrique du Sud. J’adore Hollywood Hills.

On y est presque. Les rues sont étroites et inclinées à 80 degrés. C’est du suicide. Mais les maisons sont magnifiques et perchées sans souci d’uniformité, un peu comme des nids dans les arbres. Que c’est beau! Je me sens dépaysée pour la première fois. Nizar est trop stressé de ne pas égratigner son bébé pour apprécier le paysage autant que moi. J’avoue que je suis très heureuse d’avoir mon chauffeur.

Selon notre GPS, notre destination est à notre gauche. À gauche, une entrée inclinée à 90 degrés. Ce n’est pas l’adresse. Mais il semble y avoir une autre maison cachée un peu plus haut.

- Je pense que c’est là, à gauche
- Sont malades? Je vais pas là!
- Allez, t’es capable, vas-y doucement, tout à coup que c’est là, regarde comme c’est beau.

Nizar s’aventure. Oh boy. Ça peut bien être beau. Nous voici dans l’entrée privée d’une maison de trois millions. Une barrière nous empêche d’aller plus loin. C’est si étroit qu’il nous est impossible de faire demi-tour. On doit redescendre à reculons. Après un litre de sueur en moins et une petite prière, on se retrouve sur une rue aussi étroite mais relativement moins à pique. On se stationne dans une entrée pour ne pas bloquer la rue le temps de retrouver notre chemin.

- You’re not going to stay there, are you?

Ça fait 3 secondes et demie qu’on est là! Calme tes pompons! Tout à coup qu’elle a une arme, cette bonne femme en rut.

- Soit poli, chéri, soit poli.
- No, no, we’re looking for the 6906 Woody Trail, do you know where is it?

Nizar inverse toujours son « is » et son « it ». Tout comme il mélange « je lui dois » et « il me doit ». C’est génial d’emprunter de l’argent à Nizar, parce qu’après il va vous dire qu’il vous doit la somme. Déformation linguistique tout à fait charmante.

- It’s on the other side, the street is split in two, you need to go back, do a half moon and take Woody Trail from the other side.
- Ok, thanks

Go back, go back… go back where? Une chose est sûre, on ne se tapera jamais ce chemin de fou pour rentrer à la maison chaque jour et Nizar est tenté de rebrousser chemin sans même visiter la propriété. Mais comme on n’a pas d’heure de rendez-vous, on persiste et on la trouve. On doit passer par l’arrière. Wow. La vue qu’elle a cette maison! Je n’en crois pas mes yeux. C’est un énorme plus. Mais à l’intérieur, c’est vieux, petit, un peu malpropre, des toiles d’araignées dans les placards et du tapis partout. Un nid de microbes. Je regarde Nizar dehors sur le patio et je me sens bien, libre et inspirée. Je regarde à l’intérieur et je me sens opprimée, la cage thoracique coincée et j’ai du mal à respirer. C’est dur de renoncer à une telle vue, mais on ne s’y sent pas bien. Une mauvaise vibe. En plus, le bruit de l’autoroute au loin est étrangement amplifié par le vide entre les montagnes et son écho nous parvient comme si elle était juste à côté. Trop stressant. Ce ne sera pas celle-là.

La troisième est dans Van Nuys. Un château modèle réduit. Trois espaces extérieurs, 3 chambres, piscine, cuisine intérieure et extérieure, fontaine, fou fou fou. Nima, qui n’habite pas très loin, nous rejoint. Un coup de téléphone à sa mère agente d’immeuble nous révèle que le loyer est abusif. On s’en doutait, mais ça nous aide à y renoncer.

Maintenant, on est pris avec un dilemme. Soit on y va pour la première qu’on a toujours en tête, soit on poursuit nos recherches et on risque de la perdre. On décide d’appliquer dès lundi. Sans historique de crédit, on ne sait pas comment ça va aller… et il nous reste 3 semaines pour déménager. Mieux vaut nous lancer.

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Objectif du jour : Trouver Ze maison.

Fait saillant : J’ai enfin trouvé des cannellonis. Chez Lala. Un restaurant argentin où on a cassé la croûte avec Nima avant de rentrer. Je ne sais pas si c’est l’aspect argentin ou la clientèle américaine qui a influencé le plat, mais je n’ai jamais rien vu d’aussi gros. Des crêpes de pâte molle trop cuite. Ma déception fut aussi grosse.

Pensée du jour : « C’est possible de se rassasier d’un seul cannelloni. »

jeudi 2 juillet 2009

Jour 23 : la recherche du nid

Déjà le 2 juillet… on a jusqu’à la fin du mois pour emménager dans notre nouveau chez-nous. Je m’enlève le boulot, mon blog et mon portfolio de la tête, et je nous inscris sur westsiderentals.com, l’un des meilleurs sites de visites virtuelles.

J’ai passé la journée à envoyer des courriels. J’ai été surprise de voir comme les prix des loyers dans Hollywood Hills sont semblables à ceux des autres quartiers dans notre mire. J’ai hâte de montrer le résultat de mes recherches à Nizar. Il y a deux propriétés qui m’inspirent énormément, toutes deux dans Hollywood Hills. L’une d’entre elles est l’une des fameuses Boathouses de Harry Gesner (http://la.curbed.com/tags/harry-gesner). Il y en a perchées un peu partout dans les montagnes. Et qui elle a pour voisin, cette petite boathouse? Pas Brad Pitt, pas Jack Nicholson, non, Brian Geraghty, un acteur que je ne connais pas. Apparemment, il a joué dans Jarhead et We are Marshall… et il semble aimer Led Zepplin vu le t-shirt qu’il porte sur sa photo dans Wikipédia, mais quand il faut faire une recherche pour savoir ce que ça mange en hiver, un Brian Geraghty, ça ne pèse pas fort dans la balance. Les Boathouses sont super mignonnes et offrent une vue imprenable sur la ville et la montagne. Ce serait une expérience extraordinaire, mais j’ai bien peur que le manque d’espace et de rangement nous oblige à y renoncer, vu la quantité monumentale de stock qui attend patiemment de nous être livré.

L’autre propriété a plutôt une vue en contre plongée de la montagne, mais elle a un immense balcon en bois au deuxième sur lequel je me vois déjà peindre. Je la sens, celle-là. Sur le lot, on a obtenu trois confirmations de visites pour demain. C’est très excitant.

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Objectif du jour : Prendre une tonne de rendez-vous pour visiter des maisons pendant le long week-end.

Fait saillant : Ce soir, on avait envie d'une bonne bouffe. Comme on voulait rester à la maison pour poursuivre nos recherches et qu'on n'avait pas ce qu'il nous fallait pour concocter une bouffe maison, on a commandé chez O’Mamamia Ristorante Italiano sur eat24hours.com. Le restaurant exige une commande de 95 $ minimum pour la livraison. À 10 ou 15 $ le plat, on a dû commander une multitude d’entrées, deux plats de pâtes, du poisson, un risotto, un calzone et de la pizza. Notre épicerie pour la semaine, quoi. On a passé la commande à 21h15. Pendant l’heure qui a suivi, on s’est demandé ce qu’on allait manger pour souper… les pâtes? Le risotto? Le poisson? On salivait rien qu’à y penser. Tant de choix! On a continué nos recherches de maison pour cesser de baver partout et on a perdu la notion du temps. 23h15. Toujours pas de bouffe. On a découvert que le resto fermait à 21h30... on s’est donc résignés à manger des petits spring rolls oubliés dans un recoin du congélateur pour faire taire notre estomac.

Pensée du jour : « O’Mardamia »

mercredi 1 juillet 2009

Jour 22 : l’entrevue

J’ai passé mon entrevue téléphonique ce matin. La description des tâches correspond en tous points à mon profil. Je suis bouche bée.

Ceci m’amène à vous présenter la troisième règle à suivre pour vivre à LA sans dilapider tous ses avoirs.

Règle no 3 : Se créer de bons contacts au ciel pour qu’ils vous envoient un cadeau : un emploi sur mesure.

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Objectif du jour : Me monter un portfolio en ligne pour éviter d’envoyer 1000 courriels la prochaine fois.

Fait saillant : Toujours le même.

Pensée du jour : « Pouvoir partager son bonheur, c’est un cadeau du ciel http://www.youtube.com/watch?v=cEdFZz9qeUA »

mardi 30 juin 2009

Jour 21 : le cadeau du ciel

Une possibilité d’emploi sur mesure s’est présentée ce matin… je n’en dis pas plus pour l’instant… à suivre.

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Objectif du jour : En revenir.

Fait saillant : Vous le connaissez déjà.

Pensée du jour : « Je n'en reviens pas. »

lundi 29 juin 2009

Jour 20 : le rattrapage

Aujourd’hui, c’est ma journée de rattrapage bloguaire. Désolée pour le délai grandissant entre chaque message… c’est que je m’efforce de vivre des choses pour ne pas avoir que des banalités à raconter.

Prenons aujourd’hui comme un concours. Au lieu d’avoir à décoller une capsule de plastique sous le bouchon d’une boisson gazeuse, vous tapez www.dontbecomeafakebabe.blogspot.com dans la barre de navigation de votre fureteur.

Merci d’avoir participé. Meilleur message la prochaine fois.

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Objectif du jour : Rattraper le retard de mon blog.

Fait saillant : J’ai enfin reçu mon permis de travail.

Pensée du jour : « Je pourrais peut-être sauter quelques jours… »

dimanche 28 juin 2009

Jour 19 : le golf III

On est en route pour notre troisième journée de golf. Sunset blvd, Crescent Heights, Laurel Canyon blvd; on sent le mercure grimper mile après mile, alors qu’on se rapproche de la Vallée. Avec un nom comme Laurel Canyon blvd, on s’imagine une voie large et achalandée, mais Laurel Canyon, étroit et sinueux, n’a du boulevard que l’achalandage. Alors qu’on approche Mulholland drive, on remarque une pauvre bête gisant au centre du boulevard à double sens.

- Ah non, pauvre bête… chéri, c’est quoi, ça?
- Un… (il réfléchit)… un funk, dit-il avec plein d’assurance.
- Un funk? Un fox, tu veux dire, rétorqué-je, morte de rire.

Nizar a l’habitude de déparler, d’appeler une jambe un pied, de me faire prendre la gauche, l’autre gauche. J’attribue le phénomène à la surutilisation de ses fonctions cérébrales ainsi qu’à son quintilinguisme. C’est toujours très amusant, mais le funk vient de se mériter une place dans son palmarès. Le feu tourne au vert. Les yeux rivés sur la bête, nous approchons tranquillement de son identité. Qu’est-ce qui est là, tout recroquevillé en plein centre de la rue, arrachant le cœur des passagers croisant Laurel Canyon et Mulholland? Pas Brad Pitt, pas Jack Nicholson, non, pas un fox, et encore moins un funk, quoi qu’un funk soit, non, un morceau de tapis. Un tapis qui a instantanément hissé le funk en première position du palmarès.

La rate bien dilatée, on arrive au driving range. Nima et sa femme Kara nous accompagnent. Je pars à la recherche de deux postes côte à côte, espérant les trouver dans la section recouverte d’un toit, à l’abri du soleil. Évidemment, les seuls postes disponibles sont exposés. Et juste pour tourner le fer dans la plaie, les postes à l’abri du soleil sont en plus munis d’un système de brumisation pour rafraîchir les joueurs à l’ombre. La belle justice.

Nous voici au trou no 4. Mon meilleur ennemi. Je fais passer tout le monde avant moi… je dois me conditionner, faire le vide. Je m’avance, une seule balle en main, aucune de spare dans les poches. C’est ma nouvelle tactique de pensée positive. Je m’installe et pratique mon coup en frappant à quelques reprises dans le vide. Je ne comprends pas en quoi ça peut m’aider, surtout que je dois me déplacer ensuite pour frapper, mais ça me permet de retarder un peu le moment tant redouté. Le bâton s’élève, fend l’air et frappe la balle, qui s’élance en une courbe parfaite et atterrit… direct dans la haie. Le terrain se transforme en jeu de machine à boule. La haie s’empare de ma balle quelques secondes qui me semblent une éternité, puis la crache dans la rivière, comme si c’était le noyau d’une olive. 1-0 pour la haie. Je vais me chercher une deuxième balle en proférant quelques jurons. Cette fois, je frappe sans réfléchir. La balle s’élance en une courbe parfaite, encore plus prononcée, passe par-dessus la haie et termine sa trajectoire en soufflant ses dernières paroles : plouf. J’essaie de ne pas y penser, mais c’est plus fort que moi : je n’ai que le dicton « jamais deux sans trois » en tête. Je me dis que je suis mieux de sauter ce trou sinon toutes mes balles vont y passer. Mais Nizar et Nima m’encouragent à tenter le tout pour le coup. Cette fois, j’oriente mon coup vers l’extrême gauche du terrain, de sorte qu’il me soit impossible de frapper la haie. C’est le test ultime, pour savoir si un sort m’a été jeté. Je frappe la balle, et elle se dirige comme prévu vers l’extrême gauche du terrain. Yeah! Oh, pas si vite, la balle frappe un arbre, ricoche sur le sol, traverse le terrain au galop et… NON! pas la haie… pas la haie, la voilà qui s’arrête dans les racines de la haie. Un aimant. Personne n’en croit ses yeux. Si je pouvais visualiser la haie au lieu des trous, je pourrais jouer avec les pros demain matin.

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Objectif du jour : Vaincre le trou no 4.

Fait saillant : Je suis toute croche. Nima est chiropraticien. Il a cessé de pratiquer pour se réinventer il y a quelques années, mais il continue de craquer sa femme. Comme Nizar s’est blessé au dos lors de notre journée de golf rocambolesque, Nima lui a offert de le craquer. Nizar a ri tout le long et n’avait plus aucune douleur suite au traitement. Ça a bien sûr piqué ma curiosité, alors Nima m’a offert un diagnostique : je suis toute croche. Il m’a replacé quelques vertèbres, mais hors de question qu’il me craque le cou. J’ai peut-être trop vu de films d’action, mais tout à coup que j’ai le cou fragile et que je me retrouve inanimée.Ça ne vaut pas le coup. Je préfère vivre avec mon cou croche.

Pensée du jour : « Je suis victime d’un sortilège. »

samedi 27 juin 2009

Jour 18 : Where to live in LA without spending all your money

D’abord, oublier Malibu, Santa Monica, Beverly Hills, Bel Air et cie, à moins de chercher une colocation exponentielle ou un trou à rats. Ensuite, cibler les quartiers limitant le trajet boulot-dodo. Certes, ça dépend des intérêts et du style de vie de chacun, mais en ce qui me concerne, hors de question de me priver de Nizar deux heures de plus par jour en raison de la distance. Comme il travaille à Burbank, on vise plutôt Sherman Oaks, La Cañada, Glendale, Los Feliz, Van Nuys, Valley Village, Studio City, North Hollywood, Hollywood Hills ou West Hollywood. La liste est longue et le temps file. On saute dans la décapotable pour une journée « visite de quartiers », équipés d’un calepin, d’un stylo et de deux bouteilles d’eau glacée.

West Hollywood
Le quartier gay

Points pour : C’est le quartier qu’on habite actuellement et c’est super. Plein de bars, de salles de spectacles, de restaurants, de terrasses, de boutiques, d’arbres, de beaux trottoirs et de gais. Je peux marcher partout et je m’y sens en sécurité. C’est près de tout : Melrose, Beverly center, The Grove, Sunset Strip, Third Street Promenade, plages, Rodeo Dr, Hollywood, name it.

Points contre : les maisons sont minuscules et louées à des prix qui font sortir les yeux de leur orbite, sinon ce sont des appartements avec cour intérieure commune. Nizar ne peut pas faire de BBQ en écoutant sa musique et les animaux ne peuvent pas sortir.

Hollywood Hills
La campagne au centre-ville.

Points pour : C’est tranquille, magnifique, différent et inspirant. Les maisons sont perchées en pleine nature le long de chemins sinueux et la plupart sont de très vieilles constructions à l’architecture unique, pas très grandes mais avec du caractère. Je parle bien sûr des maisons qu’on peut se permettre… les montagnes sont parsemées de villas gargantuesques de gens riches et célèbres. C’est à 5 minutes de West Hollywood, donc aussi près de tout, et c’est 5 minutes plus près du travail de Nizar.

Points contre : Je peux prendre des marches dans l’une des plus belles toiles impressionnistes qui soit, mais pas moyen de faire les courses à pieds. Trop isolé. Ça prend un examen écrit et un autre « behind-the-wheel »… en d’autres mots, la règle no 1 ne pourrait plus s’appliquer : ça prend une deuxième voiture.

On emprunte la 134, la 2 puis la 210, s’extasie devant le panorama de la 210 à couper le sifflet et on entre dans le quartier La Cañada. Ce n'est pas par nostalgie, on a vraiment entendu du bien au sujet de l'endroit. Ce serait quand même drôle... mais en un mot : denied. L’atmosphère patriotique me monte à la tête comme un verre de Pisco sour. Je vois des étoiles. Et des barres rouges. Partout. On est à une bonne heure de chez nous, il fait 3832°C, j’ai la peau des cuisses qui colle au siège comme la peau d’un poulet colle au fond d’une plaque de cuisson et notre eau glacée est prête pour infuser un sachet de thé. On rebrousse la 210 (s’extasie devant le panorama), la 2 puis la 134, direction Valley Village: notre dernière destination avant que je n’incline le siège pour faire la planche.

Il fait toujours 8832°C.

« T’es pas en train de mourir, toi? »
« Mais non, c’est rien ça, c’est même pas encore l’été. »

Nizar et son sang méditerranéen. S’il faut savoir une chose avant de choisir un quartier, c’est bien la différence de température marquée entre la vallée et les quartiers plus près du Pacifique. C’est en moyenne 5 à 8 degrés plus chaud dans la vallée. Quand il fait déjà 25 ou 26 degrés et que « ce n’est pas encore l’été », 5 à 8 degrés de plus, c’est assez pour passer son temps à manger des chips au frais devant la télé. C’est peut-être pour ça qu’il y a un taux d’obésité si important chez les Américains.

Valley Village
Le four

Points pour : C’est près de chez Nima, notre compagnon de golf, du terrain de golf et de Ventura, une rue sympathique avec boutiques et restos.

Points contre : Ça fait très banlieue et c’est un peu loin des quartiers chauds. Tant qu’à passer deux ans à LA, on préfère vivre une expérience différente un peu plus excitante et inspirante. Ai-je besoin d’écrire mon dernier point? Y fa haud!

De retour au frais, j’ouvre un sac de chips et on dresse le compte-rendu. On écarte les autres quartiers trop chauds ou trop banlieue et on se fixe : Valley Village si on trouve quelque chose avec piscine (avoir un ami tout près a beaucoup de poids dans la balance), West Hollywood ou Hollywood Hills.

Reste plus qu’à nous inscrire sur westsiderentals.com et à débuter nos recherches.

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Objectif du jour : Nous fixer sur quelques quartiers pour notre recherche de logement.

Fait saillant : Ce n’est pas encore l’été.

Pensée du jour : « Comment je vais faire quand ce sera l’été? »

vendredi 26 juin 2009

Jour 17 : le lavage

Mon charmant époux est parti travailler ce matin avec un speedo pour caleçon. Avec ma perspicacité toute naturelle, j’en déduis qu’il est temps de faire une petite brassée. Je franchis le seuil de la porte le panier de linge sale dans les bras et Zack dans les jambes. En ajoutant 3 kilos à ma charge, la bouteille de détergent me lessive. Les poignées de plastique se déforment lentement mais durement sous mes phalangettes. Encore trois portes à franchir. J’attaque la seconde en me meurtrissant les jointures sur le cadre, descends l’escalier à l’aveuglette, cherchant les marches comme une femme enceinte cherche à voir ce qu’elle ne voit plus, et franchis la troisième d’un coup de pied digne d’un film policier.

Me voilà dans la cour intérieure de l’immeuble, les biceps bien contractés. J’ai toujours détesté les salles de lavage communes. Mais cette fois, j’avoue que traverser une cour parsemée de palmiers et d’autres plantes exotiques, jeter un coup d’œil au jacuzzi, juste parce que ça détend de voir un beau jacuzzi entouré de palmiers et de plantes exotiques, saluer un voisin qui se fait griller sur le bord de la piscine d’un « hi! » bien prononcé, avec l’accent, le vent et les trois « h », ça « AIE! mon genou » rend la corvée presque agréable.

M’y voici. La salle de lavage du 970 Palm ave. Je ne peux pas dire si c’est beau ou si c’est laid, parce que je n’y vois rien. Pas de lumière. Je distingue un truc louche sur le mur… là où normalement il y a un interrupteur, juste à côté de la porte. Une énorme boîte rectangulaire en métal gris avec un gros câble de deux pouces de diamètre tout strié qui fait peur. Ça ressemble à un détonateur. Bon j’exagère. Mais si ça ne fait pas tout sauter, c'est sûr que ça coupe le courant de tout l’immeuble, alors je fais tout pour éviter d’y toucher. La porte ouverte, mon panier qui la retient, je cherche à distinguer la laveuse de la sécheuse, en vain. Comme je ne trouve rien d’intelligent pour expliquer le ridicule de la situation au voisin qui se fait griller s’il se décidait à m’interpeller, je me lance, advienne qui mourra. Si c’est vraiment un truc si dangereux, ils n’avaient qu’à mieux penser son emplacement.

Comme c’est brillant! Une minuterie! Une lumière avec minuterie! C’est le modèle de la préhistoire, on s’entend. Pas certaine que ce soit si économique que ça d’ailleurs. Par analogie, ça me fait penser à mon premier téléphone cellulaire, le genre d'objet qui se repère en moins de deux dans une sacoche. Bref.

Les cheveux ébouriffés, vêtue de guenilles encore propres parce que visiblement, je ne les ai pas portées pour une très bonne raison, je sors ma poignée de petit change et pars trois brassées quand tout à coup, qui entre dans la salle de lavage? Pas Brad Pitt, pas Jack Nicholson, non, mais John, un voisin sans intérêt. Pouêt, pouêt, pouêt.

La morale de l’histoire? C’est pas tous les jours qu’on vit des choses qui méritent d’être racontées.

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Objectif du jour : Faire le lavage. C’est fou comme j’ai des objectifs inspirants.

Fait saillant : S'il y en avait un, je ne vous aurais pas raconté un épisode de lavage.

Pensée du jour : « Clic, il fait clair, vive la lumière. Sigh »

jeudi 25 juin 2009

Jour 16 : C’est rouge ou c’est blanc; pas de zone brune

Comme je n’ai nulle envie d’entretenir mon teint vert de Legal Alien ni d’avoir l’air d’une tomate séchée au soleil toute ratatinée pour célébrer mes 30 ans, je me mets sur mon 36 en me badigeonnant avec de la 30, et je pars à la conquête du teint de Jessica Alba.

Trois heures plus tard…

Ischhhh… c’est l’éclairage? Ah… non. C’était bien de la 30? L’étiquette me le confirme. Trois heures à me faire dorer comme un chiche-kebab sur sa broche, et j’ai le teint de Michael Jackson alors qu’il fréquentait Lisa-Marie Presley. L’ironie du sort m’a frappée quand j’ai allumé la télé. C’est en arborant avec solidarité mon teint laiteux que j’ai appris la nouvelle qui allait monopoliser la manchette pour les semaines à venir.

RIP, Michael.

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Objectif du jour : Bronzer sans coup de soleil.

Fait saillant : 97% de temps d’antenne pour Michael, 3% pour Farrah.

Pensée du jour : « RIP, Michael et Farrah. »

mercredi 24 juin 2009

Jour 15 : la journée des épouvantes

C’est épouvantable. Ni Trader Joe’s ni Ralphs ne tiennent de pâtes à cannelloni. Des manicotti, ça oui, plus c’est gros, plus tu peux mettre de stock dedans, c’est très américain, mais de petits cannelloni tout cutes, ça non.

Mais le plus épouvantable de l’épouvante, c’est le mystère de mon permis de travail enfin élucidé. Le petit bout de papier qui me permettra de tout faire – passer mon permis de conduire, ouvrir un compte en banque, transférer mon historique de crédit et travailler, pour ne nommer que l’essentiel – est prêt depuis longtemps, mais la fille qui s’occupait de mon dossier est partie en congé de maternité. Comme mon dossier était clos, personne n’a assuré le suivi. Le petit bout de papier a pris la poussière. Par chance, les congés de maternité en Californie sont très courts. C’est bien la seule fois où je qualifierai ce fait de chance. La fille en question est donc revenue et a envoyé mon permis de travail au bureau de Nizar… à mon attention. Daaa.
« Sarah Parizeau… P… Pa… no, there’s no Parizeau here », et on retourne mon permis de travail au gouvernement. Golf claps.

Le point positif? Je suis en congé forcé. Que c’est triste.

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Objectif du jour : Découvrir ce qui se passe avec mon permis de travail.

Fait saillant :
C’est épouvantable. La section des produits de beauté des pharmacies s’apparente à un Dollarama. Quatre marques de crèmes : Vichy, La Roche-Posay et deux marques américaines un peu douteuses. J’aime bien La Roche-Posay, mais il se trouve que leur crème hydratante pour le visage avec indice UV sent la moufette. C’est un drame.

Pensée du jour : « C’est épouvantable »

mardi 23 juin 2009

Jour 14 : ma nouvelle amie

Mon téléphone sonne. Je réponds, tout excitée de recevoir un appel sur mon nouveau cellulaire. « Hello? dis-je plein d’entrain. » Un « hhhello? » bien articulé, avec l’accent, le vent et les trois « h ». « Hi, this is Veronica calling for NCO Financial to collect your debt.* This is very important. Please call Veronica David back at 1-866-630-1520. Again, the number is 1-866-630-1520. » C’est ma nouvelle meilleure amie. Elle m’appelle quatre fois par jour depuis trois jours. Elle est un peu timide, alors elle enregistre ses appels comme ça je ne peux pas l’interrompre et changer le cours de son monologue. On m’avait dit que ce n’était pas chose facile que de se faire de nouveaux amis à Los Angeles. Chose certaine, je ne peux pas lui reprocher de ne pas faire d’efforts. Mais elle parle trop et elle n’écoute pas. Ça ne pourra pas durer. Si elle m’appelle une fois de plus pour m’ennuyer avec ses histoires de crédit, elle sera ma nouvelle meilleure ennemie. Le harcèlement, c’est de la même famille que les haies. « Harcèlement »…
« haies »… même famille.

* Je n’ai pas d’historique de crédit aux États-Unis.

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Objectif du jour : Faire le ménage. J’ai fait renvoyer la femme de ménage… il faut bien que je justifie mon salaire.

Fait saillant : L’appel troublant de la pauvre Veronica au sujet de ses problèmes de crédit m’a vraiment bouleversée... j’ai remis le ménage à demain.

Pensée du jour : « Mais où est mon permis de travail? » Je commence à avoir peur des répercussions que des vacances prolongées pourraient avoir sur mon cerveau.

lundi 22 juin 2009

Jour 13 : Règle no 2

J’ai mon California Driver Handbook entre les mains, et je suis morte de rire. Qu’est-ce qu’il y a en guise d’introduction? Un mot d’Arnold Schwarzenegger! Un mot qui commence par quoi? « My fellow Californians ». Agrémenté de quoi? Une photo d’Arnold derrière son pupitre! Désopilant. Je suis allée voir la dernière page, mais à ma grande déception, aucun « I’ll be back ». Il faut dire qu’il est toujours là… alors pas besoin de revenir. Les Californiens peuvent bien être en santé. Même pas besoin de courir. Le simple fait de se rappeler Conan the barbarian et de prendre conscience que c’est son gouverneur fait travailler la grande majorité des muscles du corps, du visage aux membres, en passant par le diaphragme et les muscles abdominaux. Ça brasse les viscères et ça oxygène l’organisme. Un véritable entraînement stationnaire. Thane devrait considérer la mise en marché du California Driver Handbook sous le nom de California Driver Ab King Pro Handbook.

Cet épisode m’amène à vous présenter la seconde règle à suivre en vue de vivre à Los Angeles sans dilapider tous ses avoirs.

Règle no 2 : Avant de s’abonner à un centre sportif, sortir courir, s’étirer sur un coin de rue ou lire l’introduction du California Driver Handbook.

Je vous invite d’ailleurs à cliquer sur la photo ci-dessus pour découvrir les bienfaits de cette dernière option.

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Objectif du jour : Annuler Fido

Fait saillant : Snoof a couru.

Pensée du jour : « I’ll be back. »

dimanche 21 juin 2009

Jour 12 : la fête des Pères

(Script de message publicitaire)

Le message ouvre sur un père et sa fille adolescente dans un garage. Le père installe des essuie-glaces sur la voiture de sa fille. Coupe au père qui remet à sa fille une trousse d’urgence, qu’elle glisse sous le siège de la voiture. La fille prend place au volant et recule dans l’entrée. Il pleut. Son père la salue du garage. Super : Pour les jours où on les voit grandir.

La même jeune fille et son père chez Canadian Tire. Ils défilent les allées et choisissent des articles de maison : une batterie de cuisine, des plaques de cuisson pour le four, un micro-ondes, des ustensiles de cuisine, un meuble télé. Coupe au père dans un petit appartement rempli de boîtes qui monte le meuble télé dans le salon. En arrière-plan, sa fille installe les articles de cuisine sur le comptoir : elle vient d’emménager dans son premier appartement. Super : Pour les jours qui viennent un peu trop vite.

On coupe à un camion de déménagement stationné dans l’entrée d’une maison. Des déménageurs vont et viennent avec des meubles et des boîtes. On coupe au père et sa fille, maintenant jeune femme, dans le salon. La fille est habillée comme on s’habille pour déménager et le père a un manteau sur le dos. Les boîtes s’empilent autour d’eux : la fille vient d’emménager dans sa première maison. Puis le père sort une enveloppe, qu’il remet à sa fille. Dans l’enveloppe, une liasse d’argent Canadian Tire qu’il a accumulé depuis des années. Super : Pour les jours qui nous remplissent de fierté.

Et c’est signé : Pour les jours comme aujourd’hui.

Je t’aime, papa. Bonne fête des Pères.

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Objectif du jour : Aucun (bah oui, encore ☺)

Fait saillant : Je ne suis pas raquée de ma journée de golf d’hier. J’ai appris à quoi servent les étirements…

Pensée du jour : « Les papas sont comme des boîtes de chocolats : on ne sait jamais sur qui on va tomber. Je remercie tous les seins d’être tombée sur le mien (je ne suis pas très religieuse…) »

samedi 20 juin 2009

Jour 11 : le golf II

10 h 30. Le ciel est gris. Il tombe de fines, très fines gouttelettes. Fait étrange, la météo indique un ciel dégagé pour la journée, à compter de 10 h… Nizar, empreint de son positivisme habituel, choisit de ne pas utiliser notre journée de contingence. « Le temps de se rendre et il va faire un beau soleil, tu vas voir. » J’enfile ma casquette, attrape mon sac de golf et nous voilà partis pour notre séance d'entraînement des muscles cachés hebdomadaire. Le ciel s’est dégagé au 9e trou. Sur neuf. Mais bon, quand il pleut en Californie, c’est un peu comme une fine bruine à peine perceptible. Alors qu’eux seraient prêts à tout annuler en raison du mauvais temps, on a plutôt l’impression que quelqu’un a craché et qu’on a reçu un ou deux postillons transportés par le vent.

Bilan de la journée : j'ai réussi à frapper le petit monsieur dans sa cage qui ramasse les balles et je me suis améliorée d’un coup. C’est mieux que rien. Je maîtrise toujours aussi bien la superbe position, j’ai amélioré grandement mes drives, mais j’ai putté comme une débutante. Ce que je suis en fait. Alors je pourrais dire que ça va... si je n'avais fait la connaissance de mon nouvel ennemi : le trou #4. Lui et sa maudite haie qui longe le terrain! Je hais les haies. Mais je ne trouve pas de roches, alors je la lapide avec mes balles. Au final, c’est moi qui en souffre avec une carte de points désastreuse et pire : la haie a kidnappé une de mes belles balles roses. Salope.

J’ai grogné, mais ça n’a pas duré; mon estomac a pris la relève. Direction The Counter, un concept resto-bar fort sympathique où l’on crée son propre burger. Une chose à dire : mmmm. http://www.thecounterburger.com/

En chemin, on croise un gars sur un coin de rue qui s’adonne à toutes sortes d’acrobaties en faisant virevolter une affiche en forme de planche de surf. C’est l'une de leurs techniques publicitaires pour attirer l’attention. Laissez-moi vous dire que ça marche. Les gens s’arrêtent pour s’essayer, aussi médiocres soient-ils. On est loin de l’homme-sandwich.

On commande pour emporter et on s’installe dans le salon de Nima, notre compagnon de golf, pour dévorer notre irrésistible burger entre deux bouchées de Slumdog Millionaire. Après le trou #4 : l'hôte de Who wants to be a millionaire. Un autre que j'aurais lapidé volontiers.

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Objectif du jour : Améliorer mon score.

Fait saillant : À moins d’avoir une tronçonneuse sous la main, ne pas s’en prendre à une haie.

Pensée du jour : « f**ck**g bushes »

vendredi 19 juin 2009

Jour 10 : Y fa haud

Ouf. Quelqu’un a oublié le soleil à broil cet après-midi. Si j’avais pu, je me serais promenée les muscles à l’air. Mais je n’ai pas trouvé la fermeture éclair. Et comme je suis à une lettre de me partir une business de mélamine malgré moi, je n’avais nulle envie de rencontrer mon fournisseur aujourd’hui. C’était donc un temps pour rester en dedans. Au programme : Broken picture telephone – the game of miscommunication. http://www.brokenpicturetelephone.com/

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Objectif du jour : Anéantir mon mal de tête.

Fait saillant :
Il y a beaucoup de gens qui ont du temps à perdre sur la planète. Le site Broken picture telephone en est la preuve. Si le monde était un peu plus occupé, le site ne serait pas aussi lent.

Pensée du jour :
« Y fa haud »

jeudi 18 juin 2009

Jour 9 : la business de couleurs

Je ne mérite pas de médaille aujourd’hui. Il faisait un si beau soleil que je me suis dit : je vais m’écraser sur le bord de la piscine avec ma brique de lecture pour mon examen de conduite, une bonne bouteille d’eau qui sort du frigo pour maximiser la sensation de fraîcheur que procure la vue de la condensation, et mon iPod. Oh! la mauvaise idée. L’ancien locataire n’aurait pas pu laisser un vieux pot de crème solaire au lieu de ses vieux cotons-tiges?… « Juste un peu, juste pour me donner des petites couleurs. » Me semble. Maintenant, j’en ai assez pour me partir une petite business. Ça fait que j’ai passé le reste de la journée à regarder Jack Bauer défier les limites du possible huilée comme une culturiste, sans les muscles. (golf claps)

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Objectif du jour : Prendre des petites couleurs.

Fait saillant : Le soleil de la Californie, quand il daigne se montrer, c’est pas de la petite bière.

Pensée du jour : « Encore 5 minutes. »

mercredi 17 juin 2009

Jour 8 : Trader Joe's

Je mérite une médaille. En m’endormant hier soir, j’ai accompli l’impensable. Une semaine à vivre dans West Hollywood au coin de la Sunset Strip, à 3 ou 4 pas de Melrose ave, à 6 ou 7 du Beverly Centre, à 2 miles de Rodeo Dr, à 20 minutes de route de la Third Street Promenade, et j’ai refoulé des pulsions belzébuthiennes, contrôlé l’incontrôlable, et résisté à la tentation du diable : magasiner. Je l’avoue, je me suis un peu emportée au buffet de mignardises pour Zack. Mais ça le rend tellement heureux. Bon, je vous vois venir avec votre concept de projection. Ça « nous » rend tellement heureux. Voilà. C’était ma petite tape dans le dos.

Ce matin, je n’ai qu’une chose en tête. Je prends mon portefeuille, mes clés et mes lunettes fumées, j’enfile mon sac en bandoulière, m’équipe de mon sac réutilisable Canadian Tire et… petite pause nostalgie en caressant doucement le sac noir sur lequel est inscrit « ce sac est vert »… je pars en quête de fromage. Je descends Palm ave jusqu’à Santa Monica blvd, traverse un lave-auto bondé de voitures luxueuses étincelantes et de petits Mexicains en sueur, tourne à gauche, et m’arrête. La bouche ouverte. Devant moi, pas Brad Pitt, pas Jack Nicholson, non, un large trottoir flanqué de palmiers. Un trottoir qui donne envie de tout vendre pour ne pas avoir à déménager. Un trottoir qui donne envie de trotter. Et je me remets à trotter. Les yeux écarquillés. Les petits commerces spécialisés me rappellent la rue Laurier. Je suis bien. Il fait beau. Je suis heureuse. C’est si beau. Je me sens vivre. Ne jamais sous-estimer le pouvoir d’un trottoir.

En promenant mon regard de gauche à droite, j’aperçois un groupe d’amis qui marchent à contre-sens, avec au bout de leurs bras ballants, des sacs réutilisables rouges. Les sacs portent l’inscription : Trader Joe’s. 1- les sacs témoignent de leur fidélité; 2- ils ont l’air contents… c’est bon signe.

Je m’attendais à une sorte de caverne d’Ali Baba de la taille d’un dépanneur où des merveilles culinaires sont entassées sur des tablettes poussiéreuses dans des allées où l’on doit jouer du coude pour arriver à se faufiler, mais l’endroit est vaste, immaculé, tout est cordé comme si Jack Nicholson dans son rôle de Melvin l’obsessionnel compulsif gérait la place et ça me donne envie de louer As good as it gets. Je déniche du beurre naturel d’arachides non blanchies, un sorbet de mangues, des fèves de soya, une trempette aux cœurs d’artichauts et fromage bleu et… parlant de fromage… DU FROMAGE! DU VRAI! Un comptoir rempli de fromages de partout dans le monde. Trois cohortes de clients entrent et sortent et je suis toujours là à lire toutes les histoires racontées sur les petits écriteaux décrivant la provenance de chaque fromage. Je n’ai pas choisi le mot « écriteaux » par hasard; les histoires sont écrites à la main. Je m’arrache enfin à ma transe pour me diriger vers les caisses. Visiblement, personne ne leur a appris à optimiser l’espace. On pourrait mettre un éléphant en file et il passerait inaperçu. On est loin de l’expertise du PA en la matière. Mais on respire, et on sort de là le sourire aux lèvres, détendus et impatients de préparer le souper. http://www.traderjoes.com/

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Objectif du jour : Trouver du fromage. Du vrai.

Fait saillant : J’ai envie de l’appeler « fait étrange » aujourd’hui. Ça concerne le comptoir réfrigéré où se trouve le lait chez Trader Joe’s. Le comptoir fait tout le mur, mais sur à peu près deux mètres, il n’a pas de fond. Entre le dessous des tablettes et le dessus des bouteilles, on peut distinguer les employés de l’épicerie qui rigolent. J’imagine qu’ils ne rigolent pas tout le temps, mais s’ils rigolent, on peut les voir. Même s’ils ne rigolent pas d’ailleurs. Ce n’est pas la place pour se couper les ongles d’orteils.

Pensée du jour : « J’ai du bon fromage au lait, il est du pays de celui qui l’a fait. Fromage, fromage, fromage… http://www.youtube.com/watch?v=jphSeMsyGXo »

mardi 16 juin 2009

Jour 7 : la marche

La paresse me gagne. Mon cerveau limite mes efforts en utilisant toutes sortes de subterfuges. Hier, j’étais supposée me louer une voiture pour aller faire les courses. Mais la veille au soir, on avait un ami de Nizar à souper. On a commandé de l’indien. Je devrais plutôt dire… j’ai commandé de l’indien. Pour six. Nous étions trois. Ça nous a permis de subsister jusqu’à ce jour. Hier encore, je devais sortir chercher de l’eau embouteillée; j’ai bu de la bière toute la journée. Aujourd’hui, je dois aller chercher de la bouffe pour Zack. Non, je ne lui donnerai pas de l’indien. Ma paresse a tout de même ses limites.

Je prends Zack en laisse et on sort, direction Petco. On descend Palm ave, on tourne à droite sur Santa Monica blvd, jusqu’à North Doheny Dr. Zack marche au pied. Le soleil plombe. Enfin. On entre dans la boutique. Zack n’a pas l’habitude. Il est fou comme un balai. L’expression tire son origine dans la confection de balais en paille. Quand le balai avait été mal assemblé ou quand il était usé, il faisait tout sauf aider au ménage. Il devenait fou. Sans parler des brindilles de paille qui retroussaient comme des cheveux fous. Mais pour revenir à mon histoire, Zack est fou comme un balai non seulement parce qu’il ne fait qu’à sa tête, mais parce qu’il tire sur la laisse, glisse sur le plancher ciré, se retrouve à plat ventre et du coup, balaye tout sur son passage. Hop! il se relève, renifle, lèche et astique les racoins oubliés par l’équipe de ménage.

- How cute is that dog!

- Thanks! I just moved here so I’m not used to the dog food sold in the US. Can you help? I’m looking for an allergy formula for my dog.

- Follow me. I recommend the Natural Balance products. They are made of natural ingredients with no additives, and it’s human consumable.

- You mean that if I have nothing home to nibble I could have that.

- Worst-case scenario.


J’en prends un sac de 7 kilos. Je laisse Zack se choisir un jouet; j’en prends deux. Je passe au comptoir des mignardises en vrac et lui prend un sac de 2 livres, au rayon des jouets pour chats pour ne pas faire de jaloux et enfin, à la caisse. J’ai perdu l’habitude de faire les courses sans voiture. Ça me prend quelques minutes pour figurer comment transporter le tout. Zack en laisse, 7 kilos de bouffe sur l’épaule, le sac de jouets attaché à ma sacoche, on entame le chemin du retour. Deux coins de rue plus loin, un homme m’interpelle :

- I saw you exit the store, it’s good exercise, walking like that!
- Ha ha… yes… ha.

Ici, personne ne marche. Si c’est le cas, c’est pour marcher trois mètres entre leur voiture et leur destination. Sinon ils courent, ils s’étirent à une intersection avant de se remettre à courir ou ils roulent. C’est comme ça. Mais moi, je suis une Legal Alien qui vient de la planète Montréal, donc je marche. Un sac de bouffe de 7 kilos sur l’épaule, un sac de plastique à moitié déchiré rempli de cochonneries attaché à ma sacoche, des tiges de plastique avec plumes qui pendouillent qui me graffignent et me chatouillent le triceps, le soleil qui stimule ma sudation, et Zack qui tire en laisse. Rien pour passer inaperçue. Nul besoin de vous décrire dans quel état je suis rentrée.

L’épopée a remisé ma paresse. J’ai beau chialer, ça fait du bien de retrouver le soleil. De prendre l’air. De suer. J’ai envie de repartir découvrir toutes les boutiques du quartier. Mais pas aujourd’hui… demain. Règle no 1. Là, c’est l’heure de la sieste. ;)

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Objectif du jour : Acheter de la bouffe pour Zack.

Fait saillant du jour : Le fromage américain, c’est du fromage Fisher price. Je ne pourrai jamais passer deux ans de ma vie ici si je ne trouve pas du bon fromage. On m’a parlé de Trader Joe’s, qui importe des produits de partout dans le monde… je vais investiguer.

Pensée du jour : « I believe in miracles… http://www.youtube.com/watch?v=ncZtOiZg69w »

lundi 15 juin 2009

Jour 6 : Règle no 1

Pour revenir à mes moutons, histoire d’éviter qu’on me demande quel est le rapport entre le titre de mon blog et son contenu, voici la première règle que je m’efforce d’appliquer en vue de ne pas dilapider tous mes avoirs :

Règle no 1 : Attendre le plus longtemps possible avant de passer son permis de conduire.

Vous serez ainsi confinés à l’intérieur d’un quadrilatère plus restreint et éviterez de vous retrouver sans crier gare à proximité d’une rue marchande jonchée de vitrines qu’on a envie de lécher.

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Objectif du jour : aucun (ça arrive)

Fait saillant du jour :
David Palmer et Michelle Dessler se sont fait assassiner!!!!!

Pensée du jour :
« Il ne faut jamais faire le jour même ce qu’on peut remettre au lendemain. » Sur ces belles paroles, je reporte à demain mon étude pour mon examen de conduite. Règle no 1.

dimanche 14 juin 2009

Jour 5 : le jour victorieux

Après quatre jours à vivre dans mes valises, j’ai décidé qu’il était temps de m’installer; mais Snoof m’a devancée, en s’installant sur son nouveau matelas Confort Suprême… ma pile de vêtements. Mon plan a foutu en l’air le sien. Il n’allait pas capituler pour autant. Il a résisté à toutes les pertes de confort, jusqu’au dernier morceau de tissu. C’est un brave chat. Mais j’ai remporté la victoire. Au même moment où les Lakers ont remporté le 2009 NBA Championship. C’est un jour victorieux.

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Objectif du jour : terminer la 4e saison de 24

Fait saillant du jour : Le corps humain compte 639 muscles. Si vous faites le décompte et qu’il vous en manque quelques-uns, allez frapper des balles dans un driving range près de chez vous. Très éducatif.

Pensée du jour : « Aïe… »

samedi 13 juin 2009

Jour 4 : Tigresse Woods

Il fait toujours moche. La journée parfaite pour aller jouer au golf sans massacrer son bronzage. Direction Roger Dunn Golf Shop, où je pourrai choisir mon cadeau d’anniversaire : un ensemble complet de bâtons, une paire de souliers, des petits bas blancs, un gant et des balles. Roses, les balles. Pour les bâtons, ça se passe plutôt bien. Pour les souliers, c’est une autre paire de manches. Ils sont toujours bien cutes dans leur petite taille de présentation, mais quand ils t’arrivent en taille 10, laissez-moi vous dire qu’ils sont pas mal moins cutes. En vraie fille que je suis, la première chose que je fais en les enfilant, c’est aller me regarder dans le seul miroir de la boutique, à 100 mètres du rayon des chaussures. Voulez-vous bien me dire pourquoi ils ont mis ça si loin? J’entends les gars rigoler. « Are they comfortable? That’s what’s important. » Je veux bien, mais quand même, de quoi je vais avoir l’air avec ces grosses affaires-là dans les pieds quand je vais avoir les jambes à l’air? Pression, pression, faut y aller, faut y aller, ça paraît que je suis la seule fille du groupe. Au final, j’ai le choix entre deux grosses affaires noires ou deux grosses affaires blanches avec du simili-crocodile brun. J’opte pour le crocodile. Ils devraient se fondre avec ma peau de crocodile et être un peu moins visibles.

Nous voici au driving range, deux paniers de balles au programme. À côté de nous, deux gars s’éreintent à essayer de mettre leurs balles dans une poubelle. Nizar prend place. Il frappe… direct dans la poubelle. Une symphonie de « oh » s’est fait entendre. S’il s’était arrêté là, il aurait eu l’air d’un vrai pro. Mais il nous restait deux paniers complets à frapper. Ils ont vite compris que c’était la chance du débutant. En ce qui me concerne, si ce n’était de mon maudit bras qui ne veut pas rester droit, je pourrais dire que je ne m’en sors pas si mal. Pour ce qui est de la position « assis sur un bol de toilette invisible », je m’en sors très, très bien. Photo à l’appui. Je me demande même si on ne s’est pas foutu de ma gueule. J'ai l'impression d'être la seule à adopter la « bonne » position. Enfin. Le bilan de la journée : pour un 9 trous, par 27, j’ai fait 51, je n’ai tué personne et je n’ai perdu aucune balle.

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Objectif du jour : Ne blesser personne au driving range.

Fait saillant du jour :
Je n’ai blessé personne au driving range… personne à part moi. Quand on frappe le sol au lieu de la balle, on s’en rappelle le lendemain.

Pensée du jour :
« Did I bend my elbow? » (je commence à penser en anglais)