dimanche 28 juin 2009

Jour 19 : le golf III

On est en route pour notre troisième journée de golf. Sunset blvd, Crescent Heights, Laurel Canyon blvd; on sent le mercure grimper mile après mile, alors qu’on se rapproche de la Vallée. Avec un nom comme Laurel Canyon blvd, on s’imagine une voie large et achalandée, mais Laurel Canyon, étroit et sinueux, n’a du boulevard que l’achalandage. Alors qu’on approche Mulholland drive, on remarque une pauvre bête gisant au centre du boulevard à double sens.

- Ah non, pauvre bête… chéri, c’est quoi, ça?
- Un… (il réfléchit)… un funk, dit-il avec plein d’assurance.
- Un funk? Un fox, tu veux dire, rétorqué-je, morte de rire.

Nizar a l’habitude de déparler, d’appeler une jambe un pied, de me faire prendre la gauche, l’autre gauche. J’attribue le phénomène à la surutilisation de ses fonctions cérébrales ainsi qu’à son quintilinguisme. C’est toujours très amusant, mais le funk vient de se mériter une place dans son palmarès. Le feu tourne au vert. Les yeux rivés sur la bête, nous approchons tranquillement de son identité. Qu’est-ce qui est là, tout recroquevillé en plein centre de la rue, arrachant le cœur des passagers croisant Laurel Canyon et Mulholland? Pas Brad Pitt, pas Jack Nicholson, non, pas un fox, et encore moins un funk, quoi qu’un funk soit, non, un morceau de tapis. Un tapis qui a instantanément hissé le funk en première position du palmarès.

La rate bien dilatée, on arrive au driving range. Nima et sa femme Kara nous accompagnent. Je pars à la recherche de deux postes côte à côte, espérant les trouver dans la section recouverte d’un toit, à l’abri du soleil. Évidemment, les seuls postes disponibles sont exposés. Et juste pour tourner le fer dans la plaie, les postes à l’abri du soleil sont en plus munis d’un système de brumisation pour rafraîchir les joueurs à l’ombre. La belle justice.

Nous voici au trou no 4. Mon meilleur ennemi. Je fais passer tout le monde avant moi… je dois me conditionner, faire le vide. Je m’avance, une seule balle en main, aucune de spare dans les poches. C’est ma nouvelle tactique de pensée positive. Je m’installe et pratique mon coup en frappant à quelques reprises dans le vide. Je ne comprends pas en quoi ça peut m’aider, surtout que je dois me déplacer ensuite pour frapper, mais ça me permet de retarder un peu le moment tant redouté. Le bâton s’élève, fend l’air et frappe la balle, qui s’élance en une courbe parfaite et atterrit… direct dans la haie. Le terrain se transforme en jeu de machine à boule. La haie s’empare de ma balle quelques secondes qui me semblent une éternité, puis la crache dans la rivière, comme si c’était le noyau d’une olive. 1-0 pour la haie. Je vais me chercher une deuxième balle en proférant quelques jurons. Cette fois, je frappe sans réfléchir. La balle s’élance en une courbe parfaite, encore plus prononcée, passe par-dessus la haie et termine sa trajectoire en soufflant ses dernières paroles : plouf. J’essaie de ne pas y penser, mais c’est plus fort que moi : je n’ai que le dicton « jamais deux sans trois » en tête. Je me dis que je suis mieux de sauter ce trou sinon toutes mes balles vont y passer. Mais Nizar et Nima m’encouragent à tenter le tout pour le coup. Cette fois, j’oriente mon coup vers l’extrême gauche du terrain, de sorte qu’il me soit impossible de frapper la haie. C’est le test ultime, pour savoir si un sort m’a été jeté. Je frappe la balle, et elle se dirige comme prévu vers l’extrême gauche du terrain. Yeah! Oh, pas si vite, la balle frappe un arbre, ricoche sur le sol, traverse le terrain au galop et… NON! pas la haie… pas la haie, la voilà qui s’arrête dans les racines de la haie. Un aimant. Personne n’en croit ses yeux. Si je pouvais visualiser la haie au lieu des trous, je pourrais jouer avec les pros demain matin.

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Objectif du jour : Vaincre le trou no 4.

Fait saillant : Je suis toute croche. Nima est chiropraticien. Il a cessé de pratiquer pour se réinventer il y a quelques années, mais il continue de craquer sa femme. Comme Nizar s’est blessé au dos lors de notre journée de golf rocambolesque, Nima lui a offert de le craquer. Nizar a ri tout le long et n’avait plus aucune douleur suite au traitement. Ça a bien sûr piqué ma curiosité, alors Nima m’a offert un diagnostique : je suis toute croche. Il m’a replacé quelques vertèbres, mais hors de question qu’il me craque le cou. J’ai peut-être trop vu de films d’action, mais tout à coup que j’ai le cou fragile et que je me retrouve inanimée.Ça ne vaut pas le coup. Je préfère vivre avec mon cou croche.

Pensée du jour : « Je suis victime d’un sortilège. »

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